Selon cet article de Marianne, la fraude fiscale représenterait entre 60 et 100 milliards d'Euros par an. C'est plus que le déficit public et on entend de nombreuses voix s'élever pour dire que cette fraude scandaleuse permettrait de combler le déficit public et que tout irait bien mieux sans elle.
Avant de démontrer que la fin de la fraude n'est pas une solution à nos problèmes sociaux et économiques, je tiens à donner raison à ces voix sur plusieurs points. D'abord, c'est effectivement commettre un délit et une injustice que d'enfreindre la loi pour ne pas payer ses impôts. La loi doit s'appliquer à tous les citoyens.
Elles ont aussi raison de viser l'équilibre des comptes publics. Avec une dette proche de 100% du PIB, la France arrive en terrain dangereux où une crise financière devient de plus en plus probable. Revenir à l'équilibre budgétaire permet de se libérer du monde de la finance, puisqu'on arrête de s'endetter. Car avoir des dettes, c'est avoir des obligations envers les autres!
Sans vouloir excuser la fraude fiscale, il est certain que plus l'impôt est élevé, plus le contribuable a envie de lui échapper. Avec un taux d'imposition de 15% en moyenne, le Taiwanais garde 85% de ses revenus et les cas de fraude massive sont rares. Quand la moyenne des prélèvements obligatoires en France atteint le record d'Europe de 45.4% en 2017 (INSEE), et que le taux d'imposition est bien plus haut encore pour les hauts revenus, il est compréhensible que de nombreux contribuables fassent beaucoup d'efforts pour garder l'argent qu'ils ont gagné par leur travail ou leurs investissements. La courbe de Laffer montre que trop d'impôt tue l'impôt. Au-delà d'un certain seuil, l'Etat a beau augmenter les taux d'imposition, il n'arrive pas à faire entrer plus de recettes dans ses caisses. Soit le contribuable fraude en enfreignant la loi, soit il utilise la complexité de la loi pour réduire ses impôts de manière légale, soit il s'évade à l'étranger. Seule l'infraction de la loi est un délit, mais on trouvera aussi injuste que des grandes entreprises et des grandes fortunes paient moins d'impôts en utilisant des niches fiscales dans la loi française ou bien en utilisant la complexité du droit international. Il y a effectivement une injustice à ce que certains, les plus riches et les mieux instruits, réduisent plus que d'autres leurs impôts.
Mais imaginons un instant que l'Etat français arrive à mettre fin à la fraude fiscale. Que se passerait-il si les recettes de l'Etat augmentent de 100 milliards? D'abord, on constate que la part des prélèvements obligatoires passe à 49.8% (contre un peu moins de 40% dans le reste de l'Europe, 25% aux USA et 15% à Taiwan). Nous supprimons le déficit de l'Etat prévu de 80 milliards. Il reste 20 milliards à distribuer. C'est 2% du budget de l'Etat! Youpi!
Bref, avec 2% en plus dans les caisses de l'Etat, on compense juste l'inflation et rien d'essentiel ne changerait pour la plupart des Français. Mais avec des prélèvements obligatoires à 49.8% du PIB, les plus fortunés et les jeunes diplômés auraient encore plus intérêt à s'exiler pour payer moins d'impôts et trouver des opportunités. Et en France, la croissance économique et le niveau de vie continueraient donc de stagner encore plus, car plus l'Etat prélève d'impôts, moins le secteur privé est motivé pour créer de la richesse.
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