Tuesday, January 28, 2020

Le faux libéralisme des élites françaises

Je ne suis pas d'accord avec Emmanuel Todd sur beaucoup de choses, mais dans cette intervention, il touche juste quand il dit que les élites françaises ne sont pas libérales, même si elles le croient:
 

La réforme des retraites en est un parfait exemple. La plupart de ses opposants le dénoncent comme libéral et s'insurgent contre la présence de Blackrock dans quelques réunions. La présence de ce géant de l'investissement en bourse est incompréhensible, car cette réforme ne fait aucune transition vers la capitalisation, mais consacre la retraite par répartition.

En fait, le coeur de la réforme est le passage de plus de 40 caisses gérées par chaque profession à une seule caisse gérée par, je vous le donne en mille, l'Etat et sa bureaucratie issue de l'Enarchie! Bref, il n'y a rien de libéral dans cette réforme. Elle se voulait universelle et tentait de mettre fin aux régimes spéciaux (SNCF, RATP...) mais les exceptions sont si nombreuses et l'application de ces réfomes si tardive que les injustices les plus criantes vont encore perdurer pendant longtemps.


Monday, January 13, 2020

Taiwan et la Chine

Mme Tsai Ing-Wen a donc été réélue samedi avec 57% des voix. Le candidat du KMT a fait 38% (et le reste pour un ancien du KMT). Pour la plupart des journaux, c'est la victoire de la démocratie et de l'indépendance face à la Chine. C'est à croire que Taiwan compterait 38% d'électeurs à la solde de la Chine et désirant vivre sous la dictature du parti communiste!!

Comme je l'ai montré dans mon article précédent, c'est totalement faux. L'erreur politique du KMT a été d'avoir la même position, le même discours face aux électeurs que face à la Chine. En gros, il dit que République de Chine (Taiwan) est un territoire chinois et que l'unité du pays est négotiable si la Chine accepte une constitution démocratique sur le modèle de celui de Taiwan. Et tant que ce n'est pas le cas, Taiwan et la Chine doivent vivre en paix côte à côte en faisant des accords commerciaux qui soient mutuellement bénéficiaires.

Bref, le KMT n'est pas prêt à abandonner la souveraineté de l'ile au régime communiste, mais il ne veut pas se priver d'un partenaire commercial qui occupera bientôt la première place mondiale (devant les USA). La réalité est que la Chine est de plus en plus dans une position de force. Taiwan a longtemps fait un blocus de la Chine. De 1948 à 2005, il n'y avait pas de lien direct entre la Chine et Taiwan. Tous les voyageurs et les marchandises devaient transiter par Hong Kong, Macao ou un pays tiers. Ce n'est donc que très récemment que Taiwan a accepté de traiter directement avec la Chine, comme le font tous les autres pays de la planète. Ce rapprochement économique s'est surtout fait durant la présidence de M. Ma du KMT, mais Mme Tsai n'y a pas mis fin. Par contre, elle a mis les freins à une plus grande intégration économique de Taiwan et de la Chine.

Le discours du DPP aux électeurs Taiwan est très critique de la Chine et il insiste surtout sur le projet d'indépendance de l'ile (ce qui est déjà une réalité). Mais dans les faits, aujourd'hui, Mme Tsai a lancé un message de dialogue et de paix à la Chine. Bref, c'est le même message réaliste que le KMT, sauf qu'elle cherchera à réduire (un peu) les liens économiques avec la Chine, ce qui sera surtout au détriment de Taiwan, mais lui permettra de dire qu'elle est intransigeante et que le KMT est pro-Chine. En fait, l'idée libérale du KMT est que plus deux pays commercent librement, plus ils ont besoin l'un de l'autre et moins ils ont intérêt à se faire une guerre militaire.

Friday, January 10, 2020

Tout ce que vous pensez savoir sur les élections présidentielles à Taiwan est faux

En meeting de campagne, Tsai Yingwen a expliqué il y a quelques jours que les électeurs de Taiwan devaient voter pour elle afin de ne pas réjouir le parti communiste à Pékin. Elle reprend donc à son compte l'idée que la Chine craindrait surtout le parti 'indépendantiste', 'progressiste' et 'démocratique' DPP et qu'elle est amie avec le parti nationaliste KMT. Dans ces 2 phrases, tout est faux.

1. Demander aux électeurs de voter pour fâcher un autre pays est un mauvais argument électoral. L'électeur doit d'abord voter pour celui ou celle qui améliorera sa condition et son pays en général. On ne vote pas pour faire plaisir ou fâcher un autre pays. Le fait de vouloir que son vote ne réjouisse pas autrui a un nom: c'est l'envie. C'est l'incapacité d'accepter le bonheur d'autrui.

2. Le DPP n'est pas un parti indépendantiste. Les partis indépendantistes vous les trouvez dans des régions qui subissent l'occupation d'une puissance étrangère (Catalogne, pays Basque, Québec...) Or, Taiwan est complètement indépendant de la Chine. Le parti communiste de Pékin ne dispose d'aucune autorité sur l'ile. Taiwan a sa propre monnaie, son passeport, son drapeau, son hymne... et sa propre armée. La seule chose que Taiwan n'a plus, c'est un siège à l'ONU, mais cela n'est pas forcément une grande perte quand on voit la composition de la commission des droits de l'homme!

3. Le DPP n'est pas un parti indépendantiste (2) et ni Chen ShuiBian (2000-2008) ni Tsai (2016-2020) n'ont déclaré l'indépendance de Taiwan durant leurs présidences.

4. Le DPP n'est pas un parti progressiste. Il se veut écolo et a arrêté la construction de la 4ème centrale nucléaire. A la place, il subventionne le solaire et les turbines à vent tant et si bien qu'en 2018 Taiwan connut sa première panne électrique générale! Le DPP avait la main mise sur les villes du sud de l'ile et ce sont les plus mal gérées, celles qui se développent le moins bien.

5. Le DPP n'est pas un parti démocratique. Arrivée au pouvoir en 2016, Tsai a gelé les avoirs financiers du KMT sous prétexte d'enrichissement illégal durant la période dictatoriale où le KMT et l'Etat ne faisaient qu'un. Or, le problème n'est pas tant que le KMT a pris de l'argent aux Taiwanais (le pays était extrêmement pauvre après la seconde guerre mondiale, quand le Japon l'a rendu à la Chine après 50 ans d'occupation). Le vrai point de contentieux, c'est que le KMT de Chang Kai-Shek est parti de Chine avec beaucoup d'or, de familles fortunées, instruites, et de nombreux trésors de Chine Continentale. (Voir le Musée du Palais National de Taiwan qui contient la collection des empereurs de Chine). Mais il n'est pas question pour le DPP (ni pour le KMT) de rendre quoi que ce soit à la Chine!

Ajout du 11 janvier: le DPP n'a pas respecté le vote des électeurs dans les référendums organisés en 2018 (sur le mariage gay et la reprise de la construction d'une centrale nucléaire).

Voyez vous-même comment Taiwan a prospéré depuis 1950. C'est l'un des 3 rares pays a avoir multiplié son PIB par plus de 30 en 66 ans! Si le KMT est devenu riche, c'est car il l'était déjà en arrivant à Taiwan et il a su en faire profiter toute l'ile:



Le gel des avoirs du KMT n'a toujours pas été résolu après plus de 3 ans. Les nombreux retraités du parti n'ont pas touché leur retraite depuis le début du gel! Dans ces conditions le parti a du mal à faire campagne.

6. La Chine communiste et le KMT ne pas sont amis. Le KMT n'a pas oublié que s'il a du quitter la Chine continentale, c'est car les communistes tuaient ses troupes. Les Chinois qui sont venus à Taiwan avec Chang Kai-Shek ont perdu toutes leurs propriétés en Chine. Ils se sentent certes Chinois, mais ce n'est pas de l'amour qu'ils ont pour les communistes! C'en est presque comique de voir des journalistes de gauche (pléonasme) dire que les nationalistes sont proches des communistes et que le parti 'progressiste' (de gauche) DPP serait son adversaire! Si le KMT n'est pas opposé à une réunification, c'est qu'il espère un changement de régime en Chine et plus de démocratie! Ce n'est pas pour devenir vassal de son pire ennemi, celui contre lequel il a versé un lourd tribut de sang.

7. La Chine ne craint pas le DPP et ses velléités indépendantistes pour la simple raison que Taiwan est déjà indépendant. En plus, si les faucons de Pékin voulaient attaquer l'ile militairement, il leur serait bien plus simple de justifier cela avec le DPP au pouvoir. Et si Pékin sait attendre, alors la politique du DPP d'isolation de l'ile vis-à-vis de la Chine et ses politiques plutôt à gauche conduiront à l'affaiblissement économique et donc militaire de l'ile.
Un Taiwan qui se considère comme une petite ile d'Asie du Sud Est ne pose pas de grand challenge à Pékin.

8. La Chine a tout à craindre du KMT et de la République de Chine (le nom officiel de Taiwan). L'existence même du KMT et la réussite économique et démocratique de l'ile est un miroir qui fait mal à Pékin. Le KMT peut inspirer le pluripartisme en Chine et mettre à mal l'emprise des communistes sur le pays. Les touristes Chinois à Taiwan sont un gain économique et diplomatique pour le KMT et la démocratie. Cela leur montre clairement que le fait d'être chinois ne les condamne pas à la dictature.

Conclusion: Les sondages donnent Tsai vainqueur demain. Dans 24h, nous saurons si les électeurs Taiwanais ont été bernés (ou non) par la propagande des médias. Et puis c'est toujours difficile de battre un président en exercice...