Saturday, February 3, 2024

Au bord de l'eau II

J'ai maintenant achevé le second tome de ce roman fleuve chinois qu'est 'Au bord de l'eau'! Ses plus de 2000 pages m'ont accompagné pendant près d'un an. Avant de passer à autre chose, il me faut faire quelques remarques sur ce classique de la littérature chinoise qui inspira la révolution de Mao.

1. La bande de 108 héros forme une équipe assez hétéroclite. Il n'y a pas de super héros. Chaque héros a des forces et des faiblesses. Même le chef Song Jiang s'emporte et s'entête parfois sur le champ de bataille. Il a alors besoin d'écouter ses lieutenants pour trouver la bonne tactique ou stratégie pour remporter la victoire.

2. Les armées adverses opposent parfois des armes nouvelles et puissantes (des navires ou de la magie). Mais les stratèges de la bande des marais trouve toujours le point faible de l'adversaire ou bien fait appel à une magie encore plus puissante. Les victoires sont rarement le fruit d'un simple rapport de force favorable, mais presque toujours d'un plan bien exécuté.

3. Ouvrir un second front dans l'enceinte même de l'ennemi est une tactique qui permet de gagner la partie, car elle désorganise l'armée ennemie. 

4. D'après le roman, l'armée de Song Jiang revient victorieuse contre les Liao sans perdre un homme en 1124, mais perd de nombreux braves en matant la rébellion de Fang La. L'histoire ne fait pas mention de l'écroulement des Song du Nord qui intervint juste après, en 1127, face aux Liao! J'explique cette disgression avec la réalité historique de la manière suivante. Face à des guerriers barbares, les 108 héros Chinois de la bande de Song Jiang jouissent d'une supériorité civilisationnelle et technologique qui leur donne la victoire. Mais contre Fang La, ils se battent contre d'autres Chinois et ne bénéficient pas de cet avantage. La guerre civile est plus équilibrée et donc aussi plus cruelle et triste. C'est une guerre fratricide. Elle est justifiée par le fait que Fang La s'est déclaré empereur et a fait sécession. Song Jiang, lui, avait toujours continué de s'affirmer un loyal sujet de l'empereur, obligé à la révolte pour vivre libre et faire la justice autour de lui. 

5. Le point précédent montre combien le pouvoir central Chinois ne tolère pas le sécessionnisme. Et avec Taiwan, cela ne change pas 900 ans plus tard!

6. La corruption des hauts fonctionnaires est l'explication pour la fin malheureuse de la bande de Song Jiang et de la dynastie du Nord peu de temps après. Cependant, on peut aussi dire que le roman est libéral, alors que la Nouvelle Politique du premier ministre Cai Jing a été proto-socialiste et que ce sont ces dépenses sociales effrénées qui ont affaibli l'Etat Chinois et poussé Fang La à la révolte. Or, lorsqu'il est question de repeupler ces régions à l'issue de la guerre civile, Song Jiang propose d'exempter les habitants d'impôts pendant plusieurs années. Cette mesure est très libérale, puisqu'elle incite à travailler plus.

7. Après avoir battu Fang La, Song Jiang retourne à la cour avec quelques braves qui continuent de le suivre. Mais certains lui ont faussé compagnie, afin de vivre une vie plus paisible et moins dangereuse. Ces braves sont pratiquement des libertariens pour lesquels le bonheur individuel passe avant les devoirs envers l'empereur. La mort de Song Jiang, empoisonné par des ministres jaloux et craintifs, leur donne même raison. Certes, le roman nous dit que la loyauté de Song Jiang à l'empereur est admirable et qu'il est un exemple. Cependant, sa loyauté le pousse à tuer son ami Li Kui afin qu'il ne prenne pas les armes contre le gouvernement! Le plus étonnant est que Li Kui accepte son sort sans broncher et n'en veuille pas à Song Jiang de l'avoir empoisonné!