Monday, June 26, 2023

Comment (bien) réussir sa désindustrialisation


Ce texte est une tentative de répondre au dossier de Charles Gave de l'excellent Institut des Libertés. Sa démonstration est d'une logique financière et économique implacable. Je ne vais donc pas la réfuter, mais je vais essayer de l'enrichir par deux dimensions qui n'apparaissent pas dans le dossier: l'éducation et l'immigration, mais dont il parle souvent dans des termes similaires par ailleurs. Par contre, je vais argumenter que la désindustrialisation était un processus inéluctable et bénéfique pour la France. Pour cela, je vais distinguer entre les industries lourdes, polluantes et générant peu de valeur ajoutée comme la sidérurgie, l'assemblage à la chaine ou l'habillement de masse, et les industries à forte valeur ajoutée comme le luxe, les hautes technologies, le nucléaire... Ainsi, même si la crise de la sidérurgie et du textile causèrent beaucoup de problèmes sociaux dans le Nord de la France et en Lorraine, la plupart des Français ne sont pas nostalgiques du travail à la chaine et c'est la raison pour laquelle ils n'ont pas sanctionné les dirigeants politiques responsables de cette première phase de la désindustrialisation.

En effet, comme elle était inéluctable et même souhaitable en termes de destruction créatrice schumpéterienne, mieux valait qu'elle eut lieu tôt que tard. La France et aucun pays de la CEE n'allait pouvoir concurrencer les salaires des dragons asiatiques (Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Hong Kong) surtout quand ceux-ci et le Japon allaient progressivement délocaliser leurs industries de base vers la Chine Populaire où les salaires étaient encore plus bas. La théorie des avantages comparatifs de Ricardo nous montre que les industries qui emploient le plus de main d'œuvre sont surtout rentables dans les pays où les salaires sont bas (et l'éducation correcte). 

Durant les années de plein emploi, jusqu'à la fin des années 1970, la France a fait venir de nombreux immigrés d'Afrique (surtout du nord) pour répondre aux besoins de son industrie. Sa première erreur, lorsque le chômage toucha les grands bassins d'emploi, fut de continuer à faire venir des immigrés pour rester compétitif avec des salaires bas. Cette stratégie n'était pas viable sur le long terme, car pour avoir des salaires bas, il faut aussi que le coût de la vie soit bas, ce qui n'était pas le cas de la France. De plus, le pouvoir s'est empressé de mettre en place un SMIG/SMIC (salaire minimum interprofessionnel garanti/de croissance). Bref, le pouvoir politique (sous la pression des électeurs) a interdit au patronat de jouer la compétitivité par les bas salaires. Cette décision populaire de vouloir des salaires élevés devait logiquement aboutir à une réduction de l'offre de travail pour compenser la baisse de la demande de travail. Mais comme la France continua de faire venir des étrangers avec le regroupement familial, l'offre de travail progressa tandis que la demande baissait et aggrava le chômage, car le prix du travail ne pouvait plus équilibrer l'offre et la demande.

La seconde erreur de l'Etat français fut d'augmenter les dépenses de l'Etat pour pallier à ce chômage de masse. Cela prit 4 formes avec Mitterrand en 1981:

1. Augmentation des transferts sociaux vers les chômeurs (plus longtemps et plus de personnes),

2. Baisse de l'âge du départ à la retraite à 60 ans afin que les 'vieux' chômeurs n'entrent plus dans les statistiques du chômage, mais sortent de la population active.

3. Primes et subventions pour l'embauche de chômeurs. Ces mécanismes n'ont jamais permis de vraies créations d'emploi durable, mais elles ont coûté beaucoup d'argent à l'Etat.

4. Embauche massive de fonctionnaires et d'agents territoriaux.

Les deux premières mesures ont rendu les entreprises françaises encore moins compétitives, car le chômage et la retraite sont directement liés aux cotisations assises sur la masse salariale. Les deux autres mesures ont augmenté les dépenses de l'Etat, ce qui a coûté aux contribuables en impôts et en augmentation de la dette publique. Comme Charles Gave l'a montré, l'augmentation du poids de l'Etat fait mécaniquement baisser le poids du privé et la rentabilité des firmes.

La solution pour minimiser les problèmes financiers dus au chômage des gens les moins qualifiés était donc d'arrêter l'immigration et d'inciter les étrangers à retourner dans leurs pays d'origine. Cela pouvait même se faire de manière pro-active, comme les dragons asiatiques qui investirent en Chine pour profiter des bas salaires. Ainsi, les grandes entreprises françaises auraient pu utiliser les étrangers formés en France comme contremaitre, chefs d'atelier... dans leur pays d'origine. De même que pour la Chine, cette industrialisation de l'Europe du Sud et de l'Afrique du Nord aurait permis d'y établir une classe moyenne, d'y retenir ou faire revenir la jeunesse (80% des étudiants Chinois retournent en Chine après leurs études en Occident) et d'augmenter les échanges commerciaux avec toute l'Europe.

Maintenant que la France s'est débarrassée de ses industries vétustes, où trouver les ressources financières pour investir dans les technologies de pointe et les secteurs d'avenir en France? Par l'introduction d'une part de retraite par capitalisation et donc des fonds de pension Français puissants (au lieu de la retraite à 60 ans). Ces fonds auraient pu investir dans ce qu'on appellera plus tard les 'start up'. La France du début des années 1980 aurait été l'endroit idéal: le nucléaire nous assurait une indépendance énergique civile et militaire, nous étions pionnier technologique dans des domaines variés avec le TGV, le Minitel, Ariane...

L'autre source de financement, c'était de faire une croix sur les nationalisations de 1981 et de faire plus rapidement celles qui se firent plus tard (France Télécom, tout l'audiovisuel public et pas seulement TF1...) Cela aurait fait rentrer de l'argent dans les caisses de l'Etat et évité les augmentations de taxes et de la dette. Ces privatisations auraient aussi été l'occasion de stimuler la concurrence et la créativité des acteurs privés. La création de ces opportunités et un niveau constant du poids de l'Etat auraient permis de reconvertir les salariés sur le carreau dans d'autres activités lucratives. 

Un effort de formation aurait pu être entrepris en partenariat avec les firmes privées, et l'éducation nationale aurait simplement continué son modèle sélectif d'excellence au lieu de le niveler par le bas. La réduction de l'immigration extra-européenne aurait conduit à des classes d'âge moins nombreuses, plus homogènes et donc plus faciles à enseigner. Il suffisait donc de ne (presque) rien changer à l'éducation nationale, mais surtout d'arriver à empêcher l'expatriation de nos chercheurs, ingénieurs et entrepreneurs en leur fournissant un environnement propice à l'innovation:

1. des prélèvements obligatoires raisonnables et constants (surtout pas d'ISF),

2. un accès à du capital (les fonds de pension) pour investir et augmenter la productivité,

3. un accès à de la main d'œuvre bon marché en Europe du Sud et en Afrique du Nord pour y initier une croissance de leur niveau de vie qui permet d'augmenter la taille de l'économie mondiale et réaliser des économies d'échelle qui profitent à tout le monde,

4. des opportunités dans un secteur privatisé et donc libéré de la tutelle de l'Etat.

L'avantage de cette politique économique est qu'elle est compatible avec une monnaie forte, comme en Suisse, reflet de la force de notre économie.

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