Wednesday, December 5, 2018

Le chantage aux services publics

Depuis 40 ans, chaque fois qu'il s'agit d'augmenter un peu les taxes ou les impôts en France, les politiques et les médias font le même chantage. Si vous êtes contre ces prélèvements, vous êtes contre l'accès aux soins, l'école gratuite, les routes, le logement social, l'aide aux pauvres, les retraites... Tout le "modèle social français" va s'écrouler si l'on ne fait pas un petit effort de plus. Si bien qu'on est progressivement passé d'un Etat qui pesait un tiers de l'économie (et sans déficit) durant les 30 glorieuses, à un Etat qui pèse environ de 50% du PIB, en déficit et en crise continus. La France est championne des prélèvements obligatoires en Europe et dans l'OCDE, mais le chantage aux services publics et à l'environnement continue. Heureusement, au lieu de se laisser faire comme des grenouilles dans une casserole dont l'eau chauffe lentement, les gilets jaunes ont fini par faire entendre leur voix. La taxe verte sur le carburant, ils n'en veulent plus et ils ont bien raison!

Mais le chantage aux services publics va continuer de plus en plus fort pour montrer aux gilets jaunes qu'ils ont tort de ne pas payer un peu plus à un Etat Providence qui leur veut tant de bien! Or, rien qu'en prenant exemple sur l'Allemagne, on voit que l'Etat français prélève 35% plus d'impôts!

Mais regardons un peu vers l'Asie, cette partie émergente du monde où la croissance va bon train, où le niveau de vie est en passe de dépasser celui des Européens. Choisissons de nous pencher sur Taiwan, pays où je réside depuis 22 ans. 

L'Etat y a construit de bonnes infrastructures routières et ferroviaires. Les écoliers ont le choix entre une école publique quasi gratuite et des écoles privées. L'accès aux soins fonctionne par une Sécu publique bon marché qui couvre le minimum, mais avec des franchises pour chaque acte. (Pour 125 Euros par mois, toute ma famille est couverte!) Si l'on veut de meilleurs services, il faut soit payer des suppléments, soit avoir une assurance complémentaire. Ce système qui mêle public et privé n'est pas parfait, mais il marche plutôt bien et ne coûte pas cher. 

Tout comme la France, Taiwan dépense environ 2% de son PIB pour sa défense militaire. Par contre, n'ayant pratiquement pas de chômage (4% environ) car le revenu minimum est proche du point d'équilibre naturel de l'offre et de la demande de travail, Taiwan dépense très peu dans le social. L'Etat Taiwanais paie des retraites (trop) généreuses à ses fonctionnaires, mais le système du retraite dans le privé fonctionne de manière autonome, surtout par capitalisation. Il n'est donc pas étonnant que les salariés aient un fort taux d'épargne en vue de leur retraite. Cette épargne privée s'investit dans l'économie et contribue à la croissance...

Bref, l'Etat Taiwanais fait autant que l'Etat français sauf dans le domaine de la santé où il en fait un peu moins. Par contre il ne dépense quasiment rien pour le sport ou la culture. Il fait peu pour le traitement de la pauvreté et du chômage, car il y en a peu et car des associations caritatives ou religieuses privées font déjà le boulot. Et, à part la retraite des fonctionnaires (peu nombreux), l'Etat Taiwanais ne paie pratiquement rien aux personnes âgées. Et la plupart d'entre elles vivent bien de leurs économies.

Et pour assurer tous ces services, l'Etat Taiwanais ne prélève que 15% du PIB. C'est trois fois moins qu'en France! Et c'est à un niveau de services publics pas si éloigné de la France. Si on arrivait à diminuer les dépenses publiques au niveau de Taiwan, on pourrait supprimer la plupart des cotisations sociales et augmenter les revenus nets de 50% au moins. La contrepartie serait que les salariés épargnent pour leur retraite. Quand on voit l'injustice dans les systèmes de retraite en France actuellement, cela permettrait de résoudre plusieurs problèmes d'un coup!

2 comments:

francois said...

Bonjour,
Je ne crois pas que tout soit transposable a la France. Question de culture. Cependant, votre article est vraiment enrichissant.
Et surtout, il faudrait analyser un peu "l'état d'esprit politique" a Taiwan, pays dans lequel il me semble régner dans la classe politique un respect et une bienveillance bien plus grande pour sa population, alors qu'en France on ressent beaucoup de mépris de la part des élites vis a vis du peuple.
Enfin, les classe qui se sont enrichies a l'époque des 30 glorieuses taïwanaise (dont il viennent de sortir) aide aussi la classe "pauvre".
vous dites: "le revenu minimum est proche du point d'équilibre naturel de l'offre et de la demande de travail".
Comment determinez vous l'équilibre?

TeaMasters said...

Bonjour François,
Merci pour votre commentaire. La culture, l'histoire, les rapports de force démocratiques, la présence d'hommes visionnaires, lucides ou non... Tout cela joue un rôle dans la structure d'un Etat et de la société. En fait, ce qui est étonnant c'est que le capitalisme libéral, inventé en Hollande et en Angleterre, ait pu s'épanouir dans un pays de culture chinoise. Ma proposition n'est pas de faire un copier/coller du système Taiwanais en France. Mais de montrer par un exemple qui peut paraitre extrême (15% de prélèvements seulement) que l'Etat arrive encore à assurer ses services publics les plus essentiels et qu'un tel pays prospère. Au point de désespérance de nos concitoyens, on ne peut plus faire de petites réformes (-5% ou -10% de dépenses). Il faut viser beaucoup haut et fort.

Sinon, je détermine l'équilibre par un regard sur les chiffres du chômage. Tant qu'il est bas, au niveau frictionnel, c'est que le revenu minimum est sous ou proche de l'équilibre.