Tuesday, February 4, 2020

Zemmour vs. Agnès Verdier-Molinié

Cela s'est passé dans Face à l'Info du 3 février 2020 (à partir de la 31ème minute environ).

Cette confrontation fut l'une de celles où Zemmour s'est montré le plus combattif, allant jusqu'à interrompre AVM de manière répétée, alors qu'il sait souvent bien écouter son adversaire. Cette fois, vers la fin du débat, on le sent à bout d'arguments et obligé de couper AVM pour imposer son point de vue.
Pourtant, tout avait assez mal commencé pour AVM. Son discours libéral joue sur l'opposition entre le privé et le public. Si je comprends ce discours dans sa fondation, l'IFRAP, qui s'adresse au privé, je ne la comprends pas quand on veut s'adresser à tous le Français, dont un bon nombre sont fonctionnaires et qui souffrent aussi d'un Etat qui ne fait pas bien son boulot.

Mais passons au point qui a suscité tant de passion. La question est simple: est-ce que l'Etat français a recruté beaucoup de fonctionnaires parce que, faute de politique industrielle, il y a eu du chômage dans les années 1980 et que c'était une manière de réduire le chômage? (Thèse de Zemmour) Ou bien est-ce à cause du socialisme, de l'embauche de fonctionnaires que l'industrie française a perdu en compétitivité et s'est mise à licencier des travailleurs? (Thèse d'AVM).

Zemmour s'agite, mais c'est AVM qui place deux arguments massus avec lesquels Zemmour est d'accord: le passage de la retraite à 60 ans (au lieu de 65 ans) sous Mitterrand fut une erreur qui coûte de l'argent aux firmes françaises. En effet, pour financer une retraite plus tôt, il a fallu augmenter les cotisations retraites. Et comme ces cotisations font parti des coûts des entreprises, cela augmente les coûts de produire en France et cela baisse donc la compétitivité des firmes qui produisent en France. Le second point qu'elle place est la réforme des 35 heures qui ont créé le bordel et augmenté les coûts pour les entreprises. Là encore, Zemmour est obligé de lui concéder qu'elle a raison.

C'est pourtant simple, une industrie ne peut pas vivre durablement sans être compétitive, sauf à vivre aux dépens de l'Etat. Si le nucléaire français est une réussite industrielle, c'est car il produit une électricité moins onéreuse que par le gaz, le charbon ou l'éolien. Si le Minitel n'existe plus, c'est car les consommateurs préfèrent Internet. Si Airbus tient tête face à Boeing, c'est  parce qu'Airbus est compétitif, pas parce que les gouvernements européens dépensent beaucoup d'argent en contrats de défense.

Or, avec 40% de fonctionnaires en plus que l'Allemagne et un poids record de l'Etat dans le PIB, un SMIC élevé... la France est le pays où les coûts salariaux sont les plus élevés et les moins compétitifs. Heureusement que la productivité des salariés du privé compense tout cela et que la France reste à la pointe dans un certain nombre de secteurs, sinon le pays serait en faillite depuis longtemps.

2 comments:

diaagi said...

les couts salariaux francais et le manque de competitivite du pays. je ne suis pas si sur de ce raisonnement. en effet en france le cout eleve salarial repose moins directement sur l'entreprise que sur un systeme de redistribution national a l'esprit bien socialiste. et qui perdure dans notre etat centralise. exemple flagrant la prime d'activite. l'effet n'est pas un manque de competitivite localement a chaque industrie mais une smicardisation de tout le salariat francais. les ecarts de salaire en france plus la fiscalite: une pyramide sociale bien ramassee dont s'extrait seulement les 0.1% d'inspecteurs de finance pantouflards, these de E Todd.
le nucleaire et l'aeronautique: 2 industries ou la barriere a l'entree est haute. une industrie qui ne peut se creer que grace a l'appui d'un (etat) investisseur pendant des dizaines d'annees. tiens c'est typiquement la configuration de l'economie a la francaise! un des seuls avantages de notre politique qu'on ne souligne jamais: proteger les jeunes pousses de notre jardin economique national, les mettre a l'abri le temps que jeunesse passe des vents destructeurs du liberalisme dechaine.
et la desindustrialisation des annees 80 / 90: la premiere raison n'est pas donnee ni par Zemmour (electoralisme) ni par AVM (socialisme destructeur d'industrie). c'est evidemment la mondialisation. l'ouverture brutale des frontieres marchandes et le reequilibrage mondial des couts salariaux (et AVM a raison de souligner que la reponse politique francaise sur cette periode a ete a 180 degres avec retraite + 35h: on a re-creuse tout seul l'ecart quand la diff de couts salariaux se refermait tout doucement!). bref le cout du petrole (transport international) n'etait pas suffisant face au cout de la main d'oeuvre et a l'aveuglement politique mondialiste! dommage on aurait pu etre ecolo avant l'heure!! produire local et emplois garantis le combo gagnant!!

TeaMasters said...

Une certaine désindustrialisation est effectivement la suite logique de la mondialisation. La logique des avantages comparatifs veut, en effet, que l'industrie aille là où c'est le moins cher pour produire, ce qui permet de baisser les prix pour tout le monde. Chaque pays se spécialise alors dans ce qu'il fait de mieux.
Et une autre désindustrialisation est aussi la suite logique de l'ère du mumérique où l'on ne produit plus des objets, mais des process, des sites web, de l'info, de l'entertainment... C'est là qu'est l'avenir, surtout si on voit la valorisation des GAFAM. L'industrie, surtout lourde et basique, est un combat d'arrière-garde.
Sinon, vous avez une bonne analyse avec les hautes barrières à l'entrée pour l'aéronautique et le nucléaire. Mais ces barrières n'existent pas dans le numérique... L'important est le talent, et celui-ci va là où la vie est bonne et les impôts faibles.