On ne se pose pas les bonnes questions sur le conflit Ukraine/Russie. Cela a pour conséquence qu'on ne trouve pas de bonnes réponses et pas d'issue à ce conflit. Les partisans de chaque camp sont surtout occupés à vous dénigrer comme Poutinolâtre ou laquais de Washington si vous critiquez l'un ou l'autre camp. Il est bien plus simple de vous disqualifier du débat que d'examiner vos arguments. Cette 'cancel culture' était l'apanage de la gauche, mais dans ce conflit, les droites pro-Kiev et pro-Moscou s'en donnent à cœur joie. Ma première réflexion de droite est de redevenir sérieux, ouvert d'esprit et de laisser le débat s'installer quel que soit votre camp.
Le vainqueur a le privilège de pouvoir réécrire l'histoire selon son narratif. Or, après plus de 2 ans de conflit, nous en sommes arrivés à un point où ni la Russie, ni l'Ukraine n'apparaissent victorieux. Qu'on soit dans un camp ou dans l'autre, ceci doit inciter à l'humilité et à être ouvert à écouter de nouveaux arguments afin de changer ce qui ne va pas. Du côté Russe, bonne chance pour faire entendre une voix discordante! Vous risquez gros si vous vous opposez à Poutine. Du côté occidental, j'espère que je ne serai pas banni des réseaux sociaux ou désabonné par mes lecteurs! En théorie, pour nous libéraux, c'est cette liberté d'expression qui fait notre force, car elle permet à des idées diverses, originales, créatives d'émerger, alors que dans les régimes autoritaires on a peur de diverger du consensus. Pratiquer la cancel culture est donc un acte de régime autoritaire et cela nous appauvrit. Voilà une bonne raison pour accepter la présence de voix divergentes.
Second constat: l'Occident n'a pas réussi à faire s'effondrer l'économie Russe. Quelque chose n'a pas marché dans le plan de Bruno Lemaire, si tant est qu'il avait un plan. Les sanctions qui privent l'UE de gaz Russe, les Russes de nos Euros et de nos investissements en Russie n'a pas eu les effets espérés.
Encore une fois, faire ce constat n'est pas être du côté de la Russie, mais de regarder la réalité en face. L'Allemagne est l'économie la plus touchée, car elle a amplifié son manque d'énergie en fermant ses centrales nucléaires depuis une dizaine d'année. Mais faire ce constat ne signifie pas que la stratégie économique était une erreur et qu'il faut maintenant passer à une stratégie de soutien militaire renforcé. Vouloir privilégier la guerre économique à la guerre militaire est intelligent et moral, car cela permet de réduire le nombre de morts et de blessés. D'ailleurs, il est scandaleux que nous ne sachions pas les pertes humaines de chaque camp. L'Europe doit savoir se rappeler que sa perte de puissance date de la première guerre mondiale durant laquelle les nations Européennes se sont entretuées dans les tranchées.
Mais si la stratégie de Lemaire n'a pas marché, il faut analyser pourquoi. La première raison est qu'il fut bien plus simple pour la Russie de remplacer ses recettes en Euros par des recettes en roupies ou en Renminbi que pour l'Europe de remplacer le gaz russe par du gaz norvégien, américain ou qatari. La seconde, c'est que l'Europe a poursuivi une guerre économique bureaucratique au lieu de poursuivre une guerre économique libérale (comme le fit Reagan contre l'URSS dans les années 1980s). Pour simplifier, disons qu'il y a deux manières de mener cette guerre économique. Soit, en augmentant son avance technologique et économique en misant sur les talents et la créativité occidentale. Soit, en essayant de limiter le développement de votre adversaire par des boycotts, des sanctions, des mesures protectionnistes bureaucratiques.
La première stratégie est celle de Reagan. Il a bénéficié de défections d'ingénieurs de l'Est et de leur manque de motivation pour travailler dans un système communiste et bureaucratique. La santé de l'économie américaine permit de creuser l'écart avec l'Est, jusqu'à ce que le Mur tombe sous la pression des peuples du bloc soviétique. La santé de l'économie Américaine est ce qui permit d'augmenter ses dépenses militaires, alors qu'en URSS, chaque kopek mit dans l'armée était un kopek qui manquait pour satisfaire la population et faire tourner l'économie. L'économie libérale permet donc de gagner sur les deux fronts que sont l'économie privée et les dépenses militaires régaliennes.
Or, la stratégie de sanctions de Lemaire, de l'UE et de Biden a été toute autre. Au lieu d'aider l'économie Occidentale à croitre, elle n'a aidé que l'Amérique sur le court terme, mais considérablement affaibli l'Europe, alors que les BRICS s'en voient renforcés. De plus, sur le long terme, l'Amérique s'est aussi tiré une balle dans le pied, car le gel des avoirs de la Banque Centrale Russe fut un signal que le dollar est une arme économique et cela conduit les BRICS à réduire leur dépendance au dollar, la monnaie de réserve mondiale.
Dans cette guerre économique contre la Russie, l'Europe a essayé de restreindre ses exports, mais la Russie est bien plus flexible que dans les années 1980 et les firmes européennes ne pouvaient pas se désengager si brutalement de ce marché sans faire des pertes. Il aurait mieux valu limiter ces sanctions aux produits sensibles (micro-processeurs et matériel militaire), mais ne pas impacter les firmes privées de consommation.
La confiscation des avoirs des oligarques Russes fut une autre erreur de cette stratégie étatique défensive. Ce vol d'Etat, bien peu libéral, est contraire à la méthode de Reagan qui consistait à garantir leur propriété aux Russes qui viendraient en Occident. Il s'agissait de les attirer, même s'il pouvait y avoir quelques agents doubles dans le lot. Or, la confiscation de leurs avoirs pour être Russes et riches envoya un signal aux oligarques qu'ils ne sont pas le bienvenu en Occident et que leur intérêt est de coopérer avec Poutine. En effet, venir chez nous est la ruine assurée, même s'ils essaient d'échapper à un régime de plus en plus autoritaire. Or, notre époque a rendu les élites de tous les pays bien plus flexibles et aptes à voyager. Attirer une partie de l'élite Russe (et des ingénieurs) aurait été un coup au moral et à l'assise politique de Poutine.
Malheureusement, avec Macron et Biden aux commandes, un socialiste et un démocrate, la guerre économique contre la Russie a échoué car ils ont essayé d'affaiblir la Russie au lieu de réformer et libérer la croissance en Occident. Au lieu de reprendre le chemin de la libre expression, l'Europe et l'Amérique deviennent woke, pratiquent la cancel culture et contrôlent de plus en plus ce qui peut se dire dans les médias et les réseaux sociaux. Nous devenons de plus en plus ceux que nous combattons! Dans cette situation, la solution n'est pas l'escalade militaire et la ruineuse 'économie de guerre', mais un changement de stratégie de guerre économique. Une croissance forte et durable est le meilleur moyen d'obtenir la confiance des citoyens en démocratie. Il faut jouer nos forces (le libéralisme) au lieu de copier les méthodes illibérales et étatiques de nos adversaires.
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