La décision de la Cour Suprême des USA de mettre fin à sa décision Roe vs. Wade signifie que chacun des 50 Etats Américains va pouvoir réglementer le droit d'avorter comme ses élus l'entendent. Certains veulent l'interdire. D'autres vont le restreindre et d'autres encore vont peut-même encore l'étendre. Cette liberté de pouvoir débattre, décider du droit et de le changer au gré des majorités ne va pas faire plaisir aux 2 extrêmes: ceux qui considère l'avortement comme un droit inaliénable des femmes et ceux qui considèrent que la vie est sacrée, car elle est un don divin. Mes reflexions vont donc s'abstenir de mêler les religions et l'idéologie féministe à ce débat. Je veux surtout examiner en quoi le contexte a changé depuis le début des années 1970, quand l'avortement fut généralisé aux USA et en France, afin de voir si ces changements sont de nature à vouloir assouplir ou à restreindre l'avortement.
Même dans les pays laïques, comme la France, l'avortement n'est pas un droit absolu, mais est limité grosso modo à la première moitié de la grossesse. En effet, il ne faut donc pas être religieux, mais simplement humain, pour considérer que plus on se rapproche du terme de la grossesse, plus on a à faire à un bébé et moins on peut le considérer comme un embryon ou foetus avortable. Chaque pays et chaque parlement essaie donc de définir quel est le moment au-delà duquel le foetus est quasiment un bébé.
Commençons par analyser l'avortement avec un regard scientifique et médical. Le problème de l'avortement ne s'est posé à une grande échelle qu'avec les progrès de la chirurgie qui permettait d'en faire une intervention relativement simple et sûre. Or, depuis les années 1970s, la médecine a continué à faire d'immenses progrès qui devraient avoir un impact sur notre débat.
Si la pilule avait fait son apparition à la fin des années 1960, un peu avant la légalisation de l'avortement, les méthodes de contraceptions se sont multipliés (stérilet, diaphragme, spermicide, préservatif...). L'épidémie du SIDA dans les années 1980 a permis de banaliser la vente et l'utilisation du préservatif, et a mis fin au côté libertaire d'un acte sexuel dont seules les femmes pourraient subir des conséquences. Et si les femmes avaient peu de choix pour leur contraception et que leur emploi n'était pas encore rentré dans les moeurs, tel n'est plus le cas de nos jours. L'avortement se justifie donc de moins en moins par l'absence d'accès à la contraception.
La médecine a aussi fait des progrès pour les tests de grossesse. Ceux-ci sont apparus au milieu des années 1970 et permettent aux femmes de savoir rapidement et facilement si elles sont tombées enceinte. Ce progrès devrait permettre d'avorter plus tôt qu'auparavant.
Le fait que les prématurés sont de mieux en mieux pris en charge et qu'à 26 semaines, un prématuré a 75% de chances de survie va aussi changer notre perception du moment où un foetus devient bébé potentiel.
L'échographie, elle, permet de suivre l'évolution du foetus/bébé dans le ventre de la mère. Depuis les années 70, le coût d'une échographie a baissé, et la technologie permet maintenant d'en faire en 3D! Ainsi, en faisant plusieurs échographies, les futurs parents prennent mieux conscience que le foetus prend très tôt un apparence humanoïde. Et les études prénatales ont permis aux médecins de découvrir que le coeur d'un foetus est formé dès 4 semaines après la conception! Ces progrès 'humanisent' un peu plus tôt le foetus et ont donc aussi pour impact de désirer des avortements plus précoces.
Passons maintenant aux autres changements de la société dans les domaines démographiques, sociétaux et économiques. Au début des années 70, la fin du baby-boom d'après guerre ne faisait que commencer. On n'en ressentait pas encore les effets négatifs. En 2022, la situation de déclin démographique continue son cours avec des conséquences négatives sur le système de retraite par répartition. En effet, le nombre d'actif par retraité baisse et pose non seulement un défi de financement, mais même existentiel!
La France manque de bébés au moment où l'adoption au niveau nationale est quasi inexistante et celle de pays du Tiers-Monde de plus en plus difficile. Et pourtant, il y a une forte demande de bébés venant de couples infertiles, notamment de couples homosexuels dont l'union civile, voire le mariage, n'est plus interdit. Certaines vedettes, comme Fogiel, vont recourir à la GPA (Gestation Pour Autrui) en Inde ou en Ukraine, méthode interdite en France. Face à cette envie difficilement satisfaite d'avoir des bébés et ces jeunes femmes enceintes naturellement qui vont avorter, ne serait-il pas possible de trouver des solutions plus généreuses qui permettent à la fois d'éviter les avortements et certaines PMA (procréation médicale assistée) et d'assurer un renouvellement naturel de la population? Les économies financières d'un tel arrangement évitant deux interventions médicales (avortement et PMA) pourraient être offertes aux femmes qui renonceraient à avorter en contrepartie d'un accouchement sous X en vue d'une adoption.
Mais si on n'arrive pas à trouver un tel arrangement, la situation démographique actuelle plaide également dans le sens de réduire le nombre d'avortements pour augmenter le nombre de naissances. En effet, nous nous trouvons dans la situation inédite que le nombre de naissances et d'enfants n'est pas limité par nos ressources alimentaires et financières. Jamais le niveau de vie n'a été aussi élevé et jamais le taux de fécondité n'a été aussi bas dans tout le monde développé!
En résumé, tout dans le contexte actuel, les progrès des contraceptifs, de l'échographie, des tests, des soins aux prématurés, la démographie, l'économie et le mariage gay plaident pour des interruptions de grossesse plus précoces et moins nombreuses. Le seul changement qui explique que ce ne fùt pas le cas, est le renforcement du pouvoir féminin dans la société. Les hommes ont complètement abdiqué toute discussion sur ce sujet, comme si le foetus n'avait rien à voir avec eux. Nous sommes passés d'un excès de patriarchie à un excès de féminisme.
En guise de conclusion, j'aimerais rappeler la pensée de l'anthropologue Margaret Mead. Pour elle, un fémur cassé et guéri est le premier signe d'une société civilisée, car cela montre qu'une personne a pris le temps de nourir une autre pendant qu'elle était vulnérable et inutile. Quelle genre de civilisation prospère sommes-nous si nous n'arrivons pas à réduire le nombres grossesses avortées dans le contexte actuel? Un foetus n'est-il pas ce qu'il y a de plus vulnérable et mignon?