Monday, August 26, 2019

La démocratie marche dans ce qu'elle sait faire de mieux

Il est à la mode de critiquer la démocratie et de dire qu'elle ne marche pas. C'est ce que font beaucoup d'admirateurs de Poutine ou de la Chine à droite comme à gauche. Le Vloggueur Nas (que je trouve très sympa et plein d'entrain) est un exemple parmi tant d'autres de gens qui doutent que la démocratie fonctionne. 
Même Churchill disait que "la démocratie est le pire système, à l'exception de tous les autres!"

Et quand on voit tous les problèmes non résolus dans les pays démocratiques, cette critique semble justifiée. Rien qu'en France, les gilets jaunes protestent pour plus de pouvoir d'achat, les infirmières pour plus de moyens dans les hôpitaux, le niveau éducatif des élèves baisse, l'immobilier à Paris est trop cher...

Le problème avec cette critique, c'est qu'elle ignore le but original de la démocratie et qu'on veut lui faire faire des choses pour lesquelles elle n'est pas taillée.

1. Ce que la démocratie sait faire: le régalien

Avant l'avènement de la démocratie en Occident, à la fin du dix-huitième siècle, les populations souffraient de famine, d'une haute mortalité infantile, mais elles souffraient aussi et surtout de la violence politique et des guerres externes. Le système politique monarchique était sans pitié contre ses opposants. Le royaume de France s'est construit lors de conflits armés nombreux entre le roi et les prince de Bourgogne, d'Aquitaine, de Bretagne, et contre les cathares, puis les protestants... Un pouvoir absolu ne saurait tolérer la dissidence. La conquète du pouvoir passait par l'élimination physique de ses ennemis ou leur embastillement.

Le système démocratique nous a permis de mettre fin à 99.9% des violences physiques lors des transferts de pouvoir. Et chaque pouvoir démocratique accepte d'être remplacé par un autre lorsqu'il sort battu aux élections. A part les black bloc et quelques révolutionnaires marginaux, les citoyens  comprennent le bienfait immense de vivre en paix avec des gens dont on ne partage pas toutes les opinions. La dictature permet aussi de vivre en paix, mais on voit qu'elle a deux défauts: la violence faite aux personnes qui ne sont pas d'accord avec le pouvoir et la violence qui finit par arriver le jour où le pouvoir passe à d'autres personnes.

La démocratie n'a pas aboli toute violence et tous les crimes. Autant il est bon et louable de vouloir tendre à cela, autant ce serait ignorer la nature humaine que de croire cela possible. La police et la gendarmerie ont donc toujours beaucoup à faire, et c'est justement l'une des responsabilités principales de l'Etat en vertu du principe du monopole de la violence légitime. Maintenir la paix civile est donc bien l'un des fondements de l'Etat. Et sauf en état de légitime défense, c'est l'Etat démocratique qui fait cela mieux que personne.

Dans ses relations avec les autres pays, la démocratie a aussi permis d'obtenir d'excellents résultats. Dans le passé monarchique, nous ne comptons pas le nombre de guerres entre pays voisins, chacun cherchant à s'agrandir et/ou dominer l'autre. Ces guerres ont causé des destructions immenses et des pertes de vie de plus en plus affreuses (cf. les 2 guerres mondiales). Si les monarchies étaient en conflit presque permanents entre elles, les démocraties sont en état de paix dans 99.9% des cas. (Pour le 0.1% voir cette liste, parfois contestable, de démocraties qui se firent la guerre). Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et surtout depuis la chute du mur, le nombre de conflits internationaux a baissé de manière impressionnante pour le bien de toute l'humanité.

Ce succès ne signifie pas que l'on puisse se passer d'armée, car les pays autoritaires et les idéologies meurtrières restent un danger pour nos sociétés. L'aspiration démocratique est la meilleure garantie pour la paix mondiale dans le long terme. Mais il ne faut pas qu'on prenne cela pour de la faiblesse, car l'histoire nous enseigne que la faiblesse aide souvent à précipiter les guerres. Aussi, comme le disent les Romains, 'Si vis pacem, para bellum' (Si tu veux la paix, prépare la guerre).

Les Etats au pouvoir démocratiquement élu sont donc ceux qui connaissent le meilleur niveau de paix civile et internationale. Et cela est un progrès fondamental et inestimable pour l'humanité si l'on considère combien la violence et les guerres sont des plaies qui ont toujours fait parti de l'histoire.

2. Ce que la démocratie ne fait pas bien

Le maintien de l'ordre est une fonction avec un but simple et des règles claires. Le pouvoir législatif décide des lois. Le pouvoir executif, au travers de la police, arrêtent ceux qui ne respectent pas ces les lois. Et la justice condamne ceux qui les ont enfreintes. La séparation des pouvoirs permet d'échapper à l'arbitraire d'un pouvoir absolu et donc dictatorial (la dictature de la majorité). La structure de l'Etat démocratique correspond donc bien à sa fonction régalienne.

Mais cette structure est-elle aussi adaptée à gérer l'éducation, les hôpitaux, la solidarité, résoudre le problème du chômage?... En fait, on remarque que les structures des meilleures institutions sont souvent très différentes. L'église catholique, la plus vieille organisation sociale et caritative d'Europe, est centralisée au Vatican, alors que les églises protestantes et évangéliques sont simplement fédérées sans chef. Les universités et écoles privées fonctionnent souvent avec l'aide de fondations et de généreux donateurs. Les cliniques, elles, quant à elles, sont souvent créées par association de plusieurs médecins. Toutes ces structures sont assez éloignées de celles de l'Etat, que ce soit la justice, l'armée, la police ou la collecte de l'impôt. L'Etat n'a aucune compétence dans ces domaines et son organisation n'est pas faite pour s'adapter à des situations de terrain très diverses. Il est donc normal et pas surprenant que l'Etat n'assure pas bien les services qui ne relèvent pas du régalien. Il n'a pas été fait pour cela, mais pour permettre aux citoyens de le faire eux-même.

En assurant la paix et la liberté aux citoyens, la démocratie permet à chacun d'entre nous de nous associer comme on l'entend pour mettre nos talents au service des autres. Et plus les gens sont nombreux, plus les possibilités d'associations tendent vers l'infini. Aussi, dans une économie libérale, il n'y a pas une façon précise, un système unique qui fasse marcher l'économie et toutes les activités d'association des hommes. Il s'agit plus d'un 'ordre spontané' où l'histoire de chacun, ses traditions... va détermininer avec qui il travaille, chez qui il achète, où il étudie, quelle église ou association il fréquente... Moins l'Etat met d'entraves, moins ses impôts sont lourds, plus les citoyens ont les moyens de prendre les meilleures décisions pour eux-même. Aucun système ne saurait être assez complexe pour savoir avec précision ce que chacun d'entre nous a besoin et comment le produire. Comment trois cent législateurs pourraient-il mieux définir les besoins de protection sociale, d'éducation, d'ouverture des magasins, de départ à la retraite... de 60 millions de Français que chacun selon sa situation personnelle?

Ces 40 dernières années ont fourni quantités d'exemples que l'Etat fait moins bien que le privé dans la plupart des domaines non régaliens (à part quelques cas -Airbus- où il a eu de la chance, et qui confirment la règle):
- en général, les écoles privées se portent mieux que les écoles publiques,
- pareil pour les hôpitaux,
- le monopole du rail, la SNCF, est un gouffre financier pour les Français,
- la téléphonie mobile a connu un développement extraordinaire après la privatisation de France Telecom,
- la Sécurité sociale est en déficit permanent et rembourse de plus en plus mal.
etc...

Chaque fois que les services de l'Etat ne sont pas en monopole ou ne bénéficient pas des subventions de l'Etat, le privé fait mieux, moins cher et plus vite. Cette performance du privé est tout simplement celle de l'ordre spontané qui laisse les acteurs les plus doués agir au contact du réel, alors que l'Etat (et ses énarques) cherchera toujours à modeler un système théorique unique qui ne collera jamais à la complexité de la réalité.

En conclusion, la démocratie fonctionne mieux que tout autre système de gouvernement pour assurer la sécurité et la paix. Mais cette réussite s'arrête au régalien et ne s'étend pas aux autres activités et services dont nous avons besoin. De plus, dans le cas de la France d'aujourd'hui, on est en droit d'être doublement inquiet. Certes, il n'est pas étonnant qu'un Etat qui s'accapare 57% des richesses du pays et qui est omni-présent dans tous les domaines soit en crise à force vouloir faire des choses qu'il ne sait pas faire. Mais, le plus grave, c'est que cet Etat perde le sens des priorités et n'alloue plus assez de ressources à ses fonctions régaliennes. Justice, police et armées ont de plus en plus de mal à faire régner l'ordre dans certaines cités.

2 comments:

diaagi said...

ah le dada des libertariens: reduire le role de l'etat a peau de chagrin.
il faudrait se limiter au regalien! l'etymologie est coquine, le regalien, c'est se qui dans la sphere du roi, de l'arbitraire. pas de democratie chez les romains. alors argumenter pour la sauver! en plus reste a definir qu'est ce que le regalien, chacun peut y voir un perimetre plus ou moins large. vous, vous nous proposez une vision tres reduite et classique autour de la question de securite. du Montesquieu legislatif / executif / judiciaire a minima!
je consens que l'etat n'est pas a sa place quand il s'invite dans la gestion du secteur de la sante ou de l'education. ou pire pour la gestion de societes. du mauvais micro-management! la demonstration est juste.
mais il va manquer au moins 2 secteurs clefs dans le giron de l'etat a mon avis.
le premier point: la monnaie. ca les rois l'avaient intuites tous seuls et depuis tres longtemps: l'exclusivite de l'emission de la monnaie.
je ne ferais pas de parenthese sur l'imbecilite de l'article 104 du traite de maastricht et la perte de souverainete.
le deuxieme point est le plus important.
securite, monnaie: ok, mais on va pas laisser l'etat sans dimension socialisante quand meme ;-)
ce deuxieme point, c'est le partage des richesses. donc de l'impot. ne vous etranglez pas. oui il faut partager. pas que de la liberte. il y a aussi fraternite sur les frontons!
c'est une fonction essentielle au vivre ensemble. une societe qui se regule uniquement par la main invisible du marche... mmm, il me parait evident que les plus forts ou aventureux ou entreprenants ou meritants ou malins ou roublards ou voleurs, bref peu importe le regard moral posé, la certitude est qu'avec le temps les inegalites ne ruissellent que dans un sens. les riches toujours plus riches. les loups toujours plus affames. alors comment garantir la cohesion du groupe d'humains? et bien on redistribue les cartes, et la partie continue!
on notera que plus une societe est coherente et homogene, moins il est necessaire de redistribuer, donc moins d'impots. plus les communautes sont agglomerees les unes aux autres, plus elles se rejettent les unes les autres et s'isolent, et bien ca fait plus d'impots! la grande moralite du creuset republicain!
enfin on peut ergoter sur le role ou pas de l'etat comme stratege dans le business. pourtant je pense que ce point est majeur. airbus est cite d'un revers de la main. mais en route pour l'imperatif de l'etat de faire pousser des champions en herbe, sous protection tant que leur jeunesse n'est pas passee! le marche national et les commandes publiques dans des domaines stratégiques permettent de propulser de jeunes business strategiques, qui seraient sinon foudroyes s'ils etaient exposes trop tot au grand vent de la finance internationale. il suffit de jardiner le dimanche pour comprendre comment ca marche.
et ce dernier point est lie a mon avis au fait que la democratie est si decriee et que l'appel a un systeme plus autoritaire et moins democratique a le vent en poupe. le parlementarisme est un systeme de concensus, mou, gestionnaire, sans nouvelle vision. l'incarnation personnelle du pouvoir permet de realiser la vision d'un seul, de changer de situation, mais dans une grande violence.
plus une situation sociale est mauvaise, plus il y a de l'attente d'avoir un etat capable de changer la donne et de porter une nouvelle vision. c'est pourquoi actuellement les dits populistes enchainent et vont enchainer les victoires. jusqu'a faire tomber la democratie. parce qu'on n'aura pas eu l'ambition d'assigner a l'etat son role de stratege.
la voie du moins de perimetre pour l'etat, plus d'espace pour la liberte individuelle, pas de projet collectif, pas de redistribution, mama mia, je predis que bientot on n'utilisera plus notre carte d'electeurs!

TeaMasters said...

Je veux bien que la monnaie soit du domaine de l'Etat, mais avec la Bundesbank comme modèle. Elle doit donc être indépendante du pouvoir politique.
Pour la solidarité, je ne pense pas que c'est du ressort de l'Etat, mais des citoyens pour la même raison que l'ordre spontané est supérieur à la planification. L'Etat ne peut savoir qui a le plus besoin de solidarité, comment l'organiser le plus efficacement, le plus justement. Déjà, il commence par une injustice: en vous prenant une partie de vos revenus. Alors que la vraie fraternité n'est pas forcée, mais volontaire. Sinon ce n'est pas de la fraternité, mais juste de la 'redistribution' qui en fait est surtout un électoralisme.
Je pense que l'homme est bon avec ses proches, ceux de sa communauté. Si quelqu'un est vraiment dans le besoin, il trouvera toujours du soutien dans sa famille ou chez ses voisins, ou ses amis ou dans son quartier... La fraternité est une relation humaine, pas un système froid bati par des fonctionnaires et des hommes politiques.
A Taiwan, il n'y a pas de système de solidarité au niveau de l'Etat, mais vous seriez surpris par le faible nombre de SDF et comment la société civile s'organise pour venir en aide aux plus démunis. Visiblement avec de bien meilleurs résultats qu'en France...