Wednesday, February 19, 2025

Ukraine/Russie: Et si tout le monde avait raison?! Partie 2


La situation militaire n'a pas beaucoup évolué depuis mon premier article. La Russie grignote lentement le territoire Ukrainien, mais se fait parfois surprendre par des offensives de Kyiv, comme à Koursk. Cet équilibre est obtenu par une aide financière considérable de l'Occident et par des pertes d'hommes en dizaines, voire en centaines de milliers des deux côtés du front. Après trois ans de combats acharnés, ni l'Ukraine, ni la Russie ne semblent vouloir renoncer à se battre. L'économie Russe n'a pas été effondrée par nos sanctions. Le gaz et le pétrole continuent de se vendre, ailleurs. L'armée Ukrainienne a mieux tenu le coup que ne le pensaient les experts qui attendaient sa capitulation pour la semaine prochaine, depuis le début. Zelenski a endossé les habits du président de guerre semble s'inspirer de Dave et de Churchill pour combattre les Russes. 

Mais l'élection de Trump et ses récentes déclarations ont bouleversé cet équilibre meurtrier et destructeur. On peut lui en vouloir de mettre toute la responsabilité de cette guerre sur Zelenski au lieu de rappeler que ce sont les diverses administrations US qui ont poussé l'OTAN toujours plus près de la Russie. C'est le processus du bouc émissaire. Il permet de trouver un coupable unique, souvent innocent, plutôt que de chercher chez soi la responsabilité. Celle des USA est immense. La rappeler obligerait Trump à payer pour les dégâts, alors qu'il ne pense qu'à profiter de la position de faiblesse de Kyiv pour lui piquer ses terres rares, montrant par la même occasion qu'il ne vaut pas beaucoup mieux que les démocrates US. Au moins, il est franc dans ses intentions et essaie de terminer une guerre, plutôt que d'en commencer une.

Je comprends aussi que les pro-Ukraine soient en rage contre les déclarations de Trump sur le conflit. Il semble être dans la poche de Poutine. L'alternative est que Trump est en train de faire un deal avec Poutine et que, toute honte bue, comme un excellent commercial, il dise tout ce que Poutine veut entendre et taise tout le reste. Son but est que Poutine vienne négocier avec les USA après 3 ans de guerre. Biden n'avait même pas daigné appeler le Kremlin. Trump est direct et agit comme un businessman, pas comme un diplomate sophistiqué européen. Le jour où il aura besoin de notre aide, il sera tout miel. Mais si on fait déjà ce qu'il veut (payer pour la reconstruction de l'Ukraine), il peut nous mépriser.

Les critiques de l'Amérique reposent grandement sur celles d'Eisenhower dans son discours de départ de la Maison Blanche: le pouvoir du complexe militaro-industriel. Ce sont surtout les démocrates et le universitaires de gauche aux USA qui formulaient cette critique. Finalement, c'est la droite républicaine de Trump qui est la première à dénoncer ce pouvoir, les sommes immenses qui financent des entreprises d'armement et un Pentagon plus riche que les 10 prochains ministères de la défense. On peut effectivement voir cette guerre d'Ukraine comme un manière de recycler le vieil armement US pour le remplacer par du plus neuf et donc en faisant tourner les usines US. Remarquons que nos dirigeants Européens n'avaient rien à redire. Au contraire, maintenant que cette logique touche à son terme, ils regrettent son arrêt. Et je ne me fais pas d'illusions sur Trump. Si les armes US avaient permis de remporter la partie face à la Russie, il aurait continué de financer cette source de pouvoir US. 

Mais, Trump remarque que le retour sur investissement n'est pas bon. Les contribuables US paient pour l'armée la plus puissante au monde, mais celle-ci n'est pas capable d'aider un pays à écraser la minuscule économie Russe au bout de 3 ans d'affrontements. Notons que Trump vient d'ordonner de baisser les dépenses du Pentagon de 8 % et a proposé à la Chine et à la Russie de baisser de concert les dépenses de défense de 50%. Si l'on accepte que le cœur nucléaire de l'Etat profond américain est son complexe militaro-industriel, alors il faut soutenir Trump, même si la première victime est la sympathique Ukraine. Elle risque de voir ses frontières redessinées, comme le furent celles de l'Europe en 1945.

Trump avait le choix entre baisser les dépenses publiques pour les séniors, pour l'éducation de la jeunesse ou pour la défense. Ce sont les électeurs qui ont choisi de faire porter l'effort sur la défense en élisant Trump. Et avec Musk, Trump a aussi l'aide d'un technologiste pour rendre l'Etat US plus efficace et moins dispendieux. Je vois beaucoup de soit-disant démocrates dire que Trump fait un coup d'Etat, mais ses actions sur l'Ukraine sont bien celles annoncées durant la campagne. 

Un pays endetté à plus de 100% du PIB et qui a besoin d'emprunter des milliards à ses rivaux n'est plus crédible et n'est plus souverain. C'est aussi cela la dure réalité à laquelle Trump s'attaque avec l'élégance d'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Malheureusement, Macron et Scholz n'ont pas compris le message: ils voudraient augmenter les emprunts publics en sortant les dépenses d'armement des règles de Maastricht! 

Bienvenue en économie de guerre ! de David Baverez


 Le fait que ce livre soit écrit par un investisseur français (qui plus est basé à Hong Kong et non à Paris) explique probablement pourquoi il est plus intéressant que La guerre des mondes, de Bruno Tertrais. David Baverez ne se contente pas d'analyser le monde par plaisir ou pour fournir des recommandations aux hommes d'Etat français. Son but est d'aider aussi les acteurs privés, les investisseurs et les cadres d'entreprises qui ont une activité internationale à mieux comprendre les enjeux de la guerre économique actuelle pour prendre les bonnes décisions. 
J'ai bien aimé sa vision froide et originale sur l'Ukraine. Il replace ce conflit dans l'affrontement entre les USA et la Chine. L'Ukraine serait une guerre par proxy sur le sol européen. Bref, l'Europe se 'Yémenise'! Et en livrant surtout des armes défensives (des 2 côtés), tout était fait pour que la guerre se prolonge, comme si les USA et la Chine trouvaient leur compte dans l'affaiblissement de l'Europe et de la Russie. Dans cette optique, on peut comprendre le revirement de Trump sur l'Ukraine comme sa réalisation que la Chine profite plus du conflit que les USA. En effet, la Chine n'offre aucun soutien militaire gratuit à Moscou. Et si les USA gagnent en vendant cher leur gaz, la Chine profite d'hydrocarbures russes très bon marché et payés en Renminbi!

David Baverez fait très fort quand il annonce page 32 que "l'Ukraine risque donc dans le futur d'être 'invitée' par ses créanciers à des échanges de dettes contre des droits miniers ; pendant que l'Europe, elle, réglera la facture de la reconstruction". En effet, Trump vient de demander les terres rares à l'Ukraine!
Et la solution qu'il propose n'est pas du tout guerrière, comme le titre pourrait le suggérer. Il rappelle la décision d'Adenauer en 1949 d'accepter la scission avec la RDA pour travailler à une réunification paisible.
A la page 58, il clarifie le titre du livre: "économie de guerre. Cela ne signifie pas que nous rentrons en guerre, mais que la solution aux quatre crises identifiées va devoir faire appel à des sacrifices d'une telle ampleur qu'ils créeront des tensions acerbes entre les régions du globe.

Mais j'ai aussi des points de désaccord avec ce livre:
- A la page 61, se serait les multinationales et leur greedflation qui seraient à l'origine de l'inflation dans l'alimentaire. Cet argument est négigeable par rapport à l'expansion monétaire des banques centrales. Bizarre, alors que l'auteur identifie bien les dettes publiques comme l'une des 4 grandes crises actuelles.
- la crise environnementale du réchauffement atmosphérique donne lieu à des analyses justes (les renouvelables sont chers et peu performants), mais l'auteur ne semble pas avoir compris que cette voie-là rendrait nos économies trop pauvres et que l'adaptation prônée par Koonin est une stratégie plus réaliste.
- Que ce soit sur l'IA chinoise, le rebond de ses marchés financiers ou sur l'automobile allemande, il semble que toutes les nouvelles (Deepseek, BYD...) depuis la fin de l'écriture du livre vont dans le sens de la Chine. Page 103, l'auteur a bien raison de rappeler que "Toute prévision quant au futur de la Chine doit être formulée avec prudence et humilité."
- Pas vraiment un désaccord, mais page 139, "le futur est aux modèles ouverts" semble en contradiction avec "la plus grande source de valeur provient, à l'inverse, de ceux qui ont conservé le contrôle de leur appareil productif" (page 119). Or, le fabless est un système ouvert...
- Une autre contradiction concerne l'inflation. D'un côté, il aimerait une inflation de 4%-5% pour résoudre le problème de la dette, d'un autre il critique l'inflation que fait 100% de mécontents (page 156), surtout les pauvres d'ailleurs. 

Son chapitre sur Taiwan est très bon et conforte mon analyse qu'une invasion militaire n'est pas probable. Quant à la Chine, Baverez distingue entre les élites léninistes du parti, nos rivaux, et les responsables politiques locaux, les entrepreneurs privés et la jeunesse, nos 3 amis de longue date!

Comme Huntington, Baverez conseille à l'Europe de miser sur ses forces, notamment notre fantastique densité culturelle, pour retrouver notre puissance. 

Je finis par cette question de la page 63: "Voulons-nous aujourd'hui ne plus commercer qu''entre amis' au risque de mettre en danger 7% de la richesse mondiale?" 
 
Conclusion: lisez ce livre!

Friday, February 14, 2025

La guerre des mondes, de Bruno Tertrais


 J'ai lu ce livre, trouvé dans la bibliothèque de mes parents, durant mon séjour en France. De retour à Taiwan, je me rends compte qu'il ne me reste quasiment rien de cette lecture. Pourtant, je me rappelle que j'ai trouvé le livre assez touffu d'informations et que je n'étais pas en opposition fondamentale avec ce qu'il décrit. Il offre une vision du monde très franco-européenne où les dictatures sont méchantes et Trump ne risque pas de se faire réélire. J'imagine qu'il a dû retravailler ces passages sur POTUS #47 dans la nouvelle édition sortie la semaine dernière (mais que je n'ai pas lu). 

J'ai trouvé certains passages très bons, bien recherchés, mais l'impression était plus de faire briller l'auteur que de proposer des idées nouvelles ou des solutions à des défis géopolitiques. Ainsi, sur le conflit larvé entre la Chine et Taiwan, M. Tertrais déballe les lieux communs occidentaux, tous à charge contre la Chine Populaire. Or, la réalité est un peu plus complexe qu'elle apparait dans le livre. Quelques exemples:

- le DPP, le parti indépendantiste, a fait geler les avoirs du parti nationaliste KMT, il y a 8 ans. Cela a pour conséquence de gêner le fonctionnement du parti, ses campagnes électorales. Mais cela a aussi eu pour conséquence de mettre un terme aux paiements des pensions des anciens employés du parti! 

- Ko Wen-Je, candidat à la présidence en 2024 et chef du nouveau parti TPP, est actuellement en prison pour des soupçons de détournement d'argent. Son parti et le KMT forment la coalition majoritaire au parlement, en opposition au président du DPP. Cet ancien médecin a certainement fait des erreurs par méconnaissance du droit, mais les sommes sont relativement faibles et pointent à une instrumentalisation de la justice.

- le Parlement de Taipei est souvent le lieu d'affrontements physiques entre les députés. En effet, le DPP ne supporte pas d'avoir perdu sa majorité et essaie de bloquer les votes par le recours à la force et aux intimidations.

- le DPP est responsable de la fermeture des centrales nucléaires de Taiwan. Il suit la même politique que l'Allemagne, avec les mêmes conséquences: une énergie moins abondante, carbonée et chère. Cette politique rend Taiwan plus vulnérable à un blocus maritime chinois, vu que ses réserves de charbon et de gaz seraient rapidement épuisées. 

- Le musée du palais national de Taipei contient les trésors des empereurs de Chine. Chang Kai-Shek a permis d'empêcher l'armée japonaise, puis les communistes, de mettre la main sur ces œuvres d'art. L'histoire de la République de Chine à Taiwan et celle de la Chine Populaire sont très imbriquées l'une dans l'autre. 

- 2 millions de Taiwanais ont visité la Chine Populaire en 2024 et 400,000 Taiwanais y vivent. Ces chiffres ne collent pas avec deux pays qui sont au bord de la guerre. D'ailleurs, je ne crois pas à une guerre pour reprendre Taiwan et je ne crois pas non plus que la Chine est une menace pour le monde quand on voit son évolution depuis 35 ans.

Bref, si la situation est plus complexe à Taiwan, il y a de grandes chances qu'elle soit aussi plus complexe en Ukraine et ailleurs. Mais l'important n'est pas tellement ce que nous pensons des autres pays. Nos moyens de les influencer sont quasiment nuls. Notre principal levier d'action est sur notre pays, la France, puis sur l'Europe. Or, à cet égard, je suis déçu de l'aveuglement devant nos problèmes internes. 

Un pays/continent fort a besoin de 3 ressources : 
1. Une main d'œuvre de talent motivée, peu taxée, 
2. De l'énergie abondante et bon marché, 
3. Un accès au capital pour faire des investissements judicieux. 

Or, la réalité est que
1. Nos Bac+5 émigrent aux Etats-Unis et les Bac -5 arrivent du Maghreb et d'Afrique.
2. Notre transition énergétique nous ruine et nous rend dépendants des producteurs de gaz (Russes, US, Qataris...) 
3. Les fonds de pension US financent nos dettes publiques. 

Les solutions pour retrouver notre puissance: 
1. Tronçonner les dépenses publiques pour baisser l'imposition des actifs,
2. Stopper l'immigration illégale et remigrer les partisans de la charia ,
3. Développer le nucléaire, rouvrir les centrales en Allemagne,
4. Augmenter les dépenses de défense,
5. Equilibrer les budgets publics.