Au départ, je voulais écrire cet article à propos de tous ces politiques qui fustigent le traité de Maastricht qui leur interdit de faire un déficit public supérieur à 3% du PIB. Cette limite les indignait bien avant l'arrivée de la crise du COVID-19, à un moment où l'économie ne se portait pas si mal dans le monde entier.
Or, faire du déficit est doublement une faute politique et économique. D'abord, c'est un impôt déguisé qu'il faudra payer un jour. Demander aux générations futures d'en porter le fardeau est d'une lacheté incroyable. Et deuxièmement, l'épargne est une ressource finie. Plus de dette, c'est de l'investissement privé en moins, car pour financer ce déficit, il faut bien en appeler à des épargnants. Bastiat nous rappelle qu'il y a ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas. On voit le déficit et la dette s'envoler, mais ce qu'on ne voit pas ce sont les investissements qui ne sont pas faits dans plus de logements, une économie plus compétitive, plus d'activités rentables...
Mon objection aux adeptes des déficits permanents, aux pourfendeurs des contraintes de Maastricht, est encore plus fondamentale. Ces gens-là ne savent pas que la politique, c'est faire des choix, établir des priorités et d'agir en fonction des limites des ressources de l'Etat. Je ne suis pas malthusien et ne crois pas que les ressources à long terme sont limitées, mais je suis réaliste et admets volontiers que les ressources imposables d'un pays ne sont pas très extensibles d'une année sur l'autre. C'est surtout vrai dans nos vieux pays où le PIB n'augmente que très doucement.
Les partis politiques (à gauche, mais aussi à droite) qui ne veulent pas de limites au déficit sont ceux qui veulent un Etat qui s'occupe de tout, qui n'établit pas de priorités dans ses dépenses. Ils veulent un Etat totalitaire où la part du privé serait la plus petite possible.
Ce n'est pas dit ainsi, mais que dire de partis politiques qui érigent toutes ces priorités:
- La sécurité,
- L'éducation,
- La santé,
- Le logement,
- L'économie,
- La recherche,
- La transition énergétique,
- L'égalité homme-femme,
- La mixité sociale,
- La retraite à 62 ans,
- Les 35 heures,
- L'agriculture,
- Les banlieues,
- La lutte contre la drogue,
- La lutte contre le chômage,
- Les plans anti SDF
- Les violences conjugales
etc.. (et j'en oublie la culture et l'aide internationale et d'autres choses encore!)
La logique d'augmenter le périmètre de l'action de l'Etat, c'est qu'il absorbe de plus en plus de ressources. Mais rendre l'Etat omnipotent, c'est aussi le rendre faible, car il ne sait plus prioritiser son action. Quand il doit s'occuper de tout, il n'alloue plus les ressources de manière rationnelle, mais en fonction de sa bureaucratie, des pressions des lobbys, des syndicats, de l'électorat le plus mobilisé (les retraités)... Si l'Etat dépense tant en retraites et en fonctionnaires au lieu de dépenser en sécurité et justice, ce n'est pas un hasard. Et s'il ne gère pas bien les hôpitaux publics, c'est parce que les politiques ont abdiqué la gestion à une bureaucratie qui ne sait que demander plus de ressources.
Ce refus de prioritiser, de choisir quelles dépenses vitales maintenir et quelles dépenses frivoles supprimer, est encore plus criant maintenant en temps de crise du Covid-19. A entendre le gouvernement, il n'y aura personne de lésé durant cette crise. Tout le monde va pouvoir vivre des largesses de l'Etat, c'est-à-dire des contribuables. On va dépenser encore plus pour l'hôpital, des masques, de la recherche... et on va simplement faire plus de déficit et ne rien réduire par ailleurs.
Pour avoir un Etat efficace, il faut qu'il se concentre sur un nombre réduit de fonctions, celles qu'il effectue avec le plus de légitimité et de succès. Voyez Taiwan, par exemple! 15% de prélèvements obligatoires seulement et un Etat qui ne s'occupe que du régalien et de la santé. Cette démocratie asiatique a su rapidement prendre des décisions fortes pour interdire les arrivées de Chinois et mettre les Taiwanais de retour de Chine en quarantaine. Certes, elle avait eu l'expérience du SARS, mais déjà à l'époque cela c'était bien passé, car le gouvernement ne s'occupe pas de 36 priorités!