Saturday, August 31, 2019

L'évolution de la Chine au travers de la chaussure

Ma femme a longtemps travaillé dans une des plus grandes firmes Taiwanaises de la chaussure. Le nom de sa firme ne vous dira rien, car ils produisaient toujours pour le compte de marques. La plus grande d'entre elles était Payless (pour Pay shoes for less, une grande chaine US qui a fait faillite il y a peu de temps). Dans les années 1980, cette entreprise Taiwanaise produisait exclusivement à Taiwan, mais ses usines se sont rapidement délocalisées en Chine avec la montée des salaires à Taiwan. Là-bas, les salaires étaient plus de 10 fois inférieurs à ceux pratiqués à Taiwan. Cela permit de baisser les prix et de rester compétitif, surtout dans le gros marché US de la chaussure pas chère.

Mais que se passa-t-il dans les années 1990 et 2000? Chaque année, les salaires des ouvriers chinois augmentaient de 10% à 15 % et pour les cadres la progression pouvait aller encore plus vite! Chaque année, les employés chinois attendaient de recevoir leur bonus du Nouvel An Chinois, puis retournaient passer une semaine de congé dans leur famille, souvent dans la campagne de la Chine intérieure. Et au bout de cette semaine, un grand nombre ne revenait plus à l'usine car ils avaient trouvé mieux ailleurs. Et c'est pourquoi les salaires augmentaient si rapidement, car il fallait trouver assez de mains pour faire le boulot! Le salaire devait augmenter pour équilibrer l'offre et la demande de travail. Et comme la Chine croissait à un rythme fort, il était donc normal que les salaires augmentent rapidement également.  

Notons que ces ajustements et ces fortes hausses de salaires se faisaient sans l'intervention de l'Etat ou sans aucun discours paternaliste ou socialiste. 

Au départ, dans les années 1980, la Chine avait un avantage de salaires bas et d'une main d'oeuvre disciplinée, prête à l'effort. Mais les bas salaires ont maintenant atteint un niveau comparable à ceux de Taiwan, notamment dans les régions côtières les plus dynamiques. Si bien que cela fait dix ans environ que l'entreprise Taiwanaise de chaussure a délocalisé sa production de Chine vers le Vietnam et l'Indonésie! Et comme elle n'est pas la seule à agir ainsi, les salaires au Vietnam suivent la même tendance qu'en Chine: ils montent rapidement!

D'après mon expérience, les commentateurs politiques de droite et de gauche en Occident font donc plusieurs erreurs dans leur analyse de la puissance de la Chine:
1. Les bas salaires de la Chine ne sont plus si bas! Dans la high tech ou les jobs managériaux, le niveau de salaire est même souvent meilleur en Chine qu'à Taiwan. La Chine attire de nos jours les talents de Taiwan avec des hauts salaires, bien mieux payés qu'à Taiwan! (C'est le cas de mon beau-frère, ingénieur dans le bâtiment, qui travaille en Chine depuis 15 ans).

2. La délocalisation des usines de chaussures de Taiwan vers la Chine ou de la Chine vers le Vietnam correspond à une montée en gamme technologique de ces pays et un passage vers une société de services. Cela n'a pas eu de conséquences néfastes pour l'emploi ou le niveau de vie de ces pays. Et même les personnes qui perdirent leur emploi surent rapidement en retrouver un, car ni Taiwan, ni la Chine ne connaissent un chômage de masse et la croissance ne s'est pas arrêtée avec les délocalisations (elle s'est juste ralentie).

En Occident, en France et aux USA, certains pensent que c'est la mondialisation et ses délocalistions qui ont conduit à la paupérisation des classes moyennes, et cela serait la cause profonde du mouvement populiste. Cette cause est attractive, car elle rejette la faute sur la Chine et sa dictature communiste. Je n'ai aucune sympathie pour ce régime, mais cette analyse est fausse. Les classes ouvrières de Taiwan n'ont pas souffert des délocalisations vers la Chine, ou bien seulement très brièvement.

Si cette souffrance s'est prolongée en Occident, c'est à cause de 2 causes: les politiques a-sociales qui ont conduit au chômage de long terme et la dissolution de l'institution du mariage. En effet, ce sont le lois de salaire minimum et les allocations chômage trop généreuses qui ont conduit à garder de nombreuses personnes non qualifiées dans un cycle vicieux de dépendance vis-à-vis de l'Etat et les ont empêché d'acquérir plus d'expérience pour progresser dans leur carrière. L'autre cause majeure est sociétale et concerne le mariage. La pauvreté vient surtout de l'isolement qui touche les personnes seules. Or, autrefois une bien plus grande partie de la population vivait mariée!

En France, je vois une troisième cause à la paupérisation de la classe moyenne: le niveau exorbitant des prélèvements obligatoires de l'Etat: le salaire est amputé de moitié et l'Etat touche encore la TVA sur vos dépenses!   
 
La bonne nouvelle, c'est qu'il n'appartient qu'aux Français de mettre un terme au salaire minimum, aux allocations en tous genres et aux dépenses non régaliennes de l'Etat. Et puis, pour les célibataires, de retrouver un sens dans un engagement à long terme avec un ou une partenaire prêt(e) à la réciprocité!

2 comments:

diaagi said...

je m'enerve tout seul en lisant cette idealisation de la loi de la jungle. car dans la nature il n'y a pas de corps social constitue qui impose tout un tas de regle a tous. et le respect de la biodiversite, et le travail des enfants, et la protection des fragiles, et le partage des richesses, etc. dans le monde ideal liberal on trouve toujours facilement plus malheureux que soi a exploiter. en toute impunite morale. sans contrainte. et comme le vietnam pointe 129/192 en pib/hab d'apres le fmi, le grand jeu d'oppression et d'exploitation des classes populaires n'est pas pret de s'arreter. les ricains pourront continuer a changer de baskets toutes les semaines grace a de lointains enfants mal informes. au nom du progres bien sur. pour qu'ils aient une chance de s'epanouir grace au travail. car a la fin on le sait tout le monde est aspire vers le haut, les pyramides sont stables sur la pointe, les grands financiers s'appuient sur les theories a la ponzi pour nous en convaincre.
la solution: mettre un terme au salaire minimum!... ah bon? je finis de m'etrangler!! vive le precariat! comme au 19eme on vous payait a la piece. normal. le grand bourgeois avait le capital. les enfants, des mains pour travailler. l'americain le taiwanais a le capital. le petit vietnamien dans le role de gavroche. et l'histoire sociale n'evolue que par le magique ajustement du marche??! sans vision, sans politique sociale. la grande bourgeoisie va naturellement oeuvrer pour faire profiter a tous les fruits de l'extraordinaire croissance. une fois les 192 pays testes? a la fin des flux migratoires contraints? evidemment dans ce cadre le gringo qui a son capital au chaud a wall street a les pieds tranquilles pour un bon bout de temps. c'est quand meme un discours tres conservateur, qui est coherent quand on vit du bon cote du baton: la realite sociale est normale, pas revoltante en tout cas car tout va aller de mieux en mieux, et le coupable ce n'est pas la chine vue de l'occident c'est le socialisme vue de formose. donc mollo on ne bouge pas les forcats, et on presse un peu plus pour gagner quelques dividendes de plus.
il n'y a qu'un truc que je trouve logique. l'argument du mariage.
le mariage ce vieux contrat patrimonial que l'on jure devant des fonctionnaires d'etat (tiens ca leur fait une fonction regalienne au passage) va sauver les tranches pauvres de notre societe, qu'on ne comprend plus. mais oui. au moins ca leur fait 2 salaires non garantis dans le foyer pour tenter de survivre!

TeaMasters said...

Merci pour votre lecture et votre commentaire.
En fait, il ne s'agit pas vraiment de loi de la jungle. Le droit et la propriété sont respectés.
Sinon, ce genre de délocalisation permet justement d'éviter les flux migratoires. Il suffit de faire venir le management le temps de former des locaux!
Et quand il n'y aura plus de pays pauvres, on aura les robots pour remplacer l'homme (et la femme et les enfants) pour produire dans les usines.

PS: A Taiwan, le mariage est affaire privée. C'est un papier signé devant témoins, généralement lors du banquet. Et ce n'est enregistré par le registre de la mairie que plus tard. Aucune cérémonie de la part de l'Etat ni de l'église (sauf si on est chrétien).