Saturday, November 8, 2025

Les rentes dans la Joie de Vivre de Zola, la rentabilité du portefeuille de Brown selon Charles Gave et le Bitcoin

Le roman 'La Joie de Vivre' d'Emile Zola nous offre un aperçu sur la rentabilité du capital en France à la fin du XIXe siècle. Elle varie entre 2,5% et 10% en fonction du risque, et tombe, malheureusement pour eux, souvent à -100% pour les investissements de la famille Chanteau et de leur fils Lazare.

* 2,5%: 300 francs est ce que la famille Chanteau reçoit en plaçant les 12,000 francs qui restent de 50,000 francs du capital investi dans le commerce de bois de de Davoine

* 4%. Pour les 200,000 francs de capital de Pauline, Zola parle de rente de 8,000 francs.

* 5%. p.1209: 40000 = 2000 de rente

* 6%. 3,000 francs produits par les cinquante mille placés sur hypothèques.

* 10%. Ce sont les bénéfices espérés du commerce de bois de Davoine. Madame Chanteau compte gagner 5,000 francs par an avec son investissement de 50,000 francs. Ce ne sera pas le cas, puisque Davoine fera même faillite (voir plus haut).

En ce temps, la France passe d'un système monétaire basé sur l'argent et l'or à un système basé uniquement sur l'or (la valeur de l'argent baissait par rapport à l'or et cela rendait ce système à deux métaux instable). Cette période est donc caractérisée par une masse monétaire qui n'augmente que très peu au gré de la (faible) production de l'or. Il n'y a donc pas d'inflation, mais, au contraire, une petite déflation produite par la productivité de la révolution industrielle qui se met en marche (et qu'on voit à l'œuvre dans Germinal, le roman suivant de la saga des Rougon-Macquart). 

Il est bon de rappeler que les taux d'intérêts rémunèrent deux choses:

1. Le prix du temps. C'est le prix qui équilibre le marché entre ceux qui veulent avoir tout de suite un argent qu'ils n'ont pas encore gagné et ceux qui leur prêtent cet argent et veulent donc bien remettre à plus tard l'emploi de cet argent.

2. Le prix du risque. C'est la prime que demande un investisseur quand il effectue un investissement dont la rentabilité est incertaine.

Chez Zola, la rente est généralement 4%.(Celle à 2,5% s'explique probablement par le fait que le capital est faible, ce qui occasionne plus de frais d'intermédiation.)

Il est intéressant de noter que Charles Gave, dans Cessez de vous faire avoir, fiche numéro 8, montre qu'un portefeuille de Brown obtient un rendement de 4% par an, après inflation, dans la plupart des pays (France, USA, Japon, Suisse, Chine!) Ce portefeuille de Brown est investi à parts égales en or, cash, obligations et actions. Cette diversification permet d'affronter les périodes de croissance ou de déclin et les périodes inflationnistes ou déflationnistes avec une volatilité réduite.

Ce taux de 4% après inflation chez Charles Gave ou sans inflation chez Zola semble donc être une constante non seulement internationale, mais aussi historique et correspondrait donc au prix du temps. C'est le rendement 'normal' pour ceux qui font l'effort de ne pas consommer immédiatement leur argent, mais l'investissent, c'est à dire s'en privent aujourd'hui pour en avoir plus dans le futur.

Or, traditionnellement, quand on cherchait une rente stable et sans risque, l'investisseur plaçait d'abord son argent en obligations d'Etat. Mais, depuis depuis de nombreuses années, nous constatons que le rendement des obligations couvre à peine l'inflation. Ainsi, en Europe, l'inflation est de 2% et les taux sont à 2%. Aux USA, la situation est un peu meilleure. L'inflation est de 3% et les taux sont à 4%. Au Japon, c'est catastrophique: l'inflation est de 2,9%, mais les taux sont à 0,5% seulement. Le moins mauvais rendement vient de Chine où l'inflation est de -0,3%.et les taux de 1,3%.

Nous sommes loin de 4% pour cet outil financier! Ces grands Etats se financent donc pour moins cher que le prix du temps. Cette situation est malsaine et ne peut pas durer. Certains investisseurs qui ont un portefeuille d'actif 'classique' 50% obligations et 50% actions se consolent de ce faible rendement des obligations par les performances exceptionnelles de la bourse américaine. Mais le niveau d'endettement est tel qu'une crise ne ferait pas forcément baisser les taux et les obligations perdraient leur rôle d'actif anti fragile. En effet, une crise obligerait les Etats à émettre encore plus de dettes pour continuer de payer les systèmes sociaux (la retraite surtout) quand les revenus fiscaux baisseraient.

La maigre rentabilité des obligations incitent donc les investisseurs à se tourner vers d'autres actifs. Il y a d'abord la valeur refuge traditionnelle, l'or et ses records récents montrent que qu'à défaut d'obtenir un rendement de 4%, les banques centrales qui achètent l'or, sont déjà heureuses de conserver la valeur (1 gr d'or aujourd'hui = 1 gr d'or demain). Son prix, lui a tendance à augmenter par l'effet de la rareté du métal jaune (comparée à l'abondance de la masse monétaire. Le Bitcoin est un actif similaire à l'or, dont la rareté est encore plus radicale, car il existe un nombre fini de Bitcoin (environ 21 millions) et son minage demande de plus en plus de calculs, donc d'énergie. Un autre phénomène pousse à l'augmentation du prix du Bitcoin, l'adoption. Ses acheteurs sont de plus en plus nombreux. Aux USA, l'administration républicaine non seulement ne combat plus le Bitcoin comme le faisaient les précédentes administrations, mais entend bien que les USA soient à la pointe de la finance utilisant Bitcoin et d'autres crypto. La création d'ETF Bitcoin au printemps fut un pas de plus dans l'adoption du Bitcoin par Wall Street. Or, la capitalisation totale de Bitcoin n'est que de 2000 milliards de dollars au prix de 100.000 USD par Bitcoin (et 19,92 millions de Bitcoin minés pour l'instant).

Même si 1 Bitcoin aujourd'hui = 1 Bitcoin demain, le coût du minage n'ira qu'en augmentant. Actuellement, ce minage coûte au moins 50000 USD dans des pays où l'énergie est bon marché. Cela peut monter à 85000 USD en Europe où l'énergie est plus chère. Bref, le prix du Bitcoin (102 K USD au moment de l'écriture de cet article) n'est pas si éloigné de son coût. Son potentiel de baisse semble donc limité, mais son potentiel de hausse à l'avenir est très fort. 

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