Thursday, May 23, 2024

L'ultime champ de bataille, combattre et vaincre en ville



Au départ, j'ai acheté ce livre de Frédéric Chamaud (lieutenant-colonel) et Pierre Santoni (colonel) aux éditions Pierre de Taillac afin de me cultiver dans l'éventualité d'une guerre civile en France. A sa lecture, j'ai appris que le combat en ville n'est pas affaire de civils, mais de militaires. Il faut des armes, des défenses, des moyens de renseignements, un commandement... pour mener ces combats. Les civils ne s'improvisent pas combattants. Ou bien c'est à leurs risques et périls. Certes, des groupes terroristes peuvent tenir tête à de vraies armées en ville, car le terrain est très difficile et les risques d'embuscades nombreux. Mais là on parle de combattants armés, pas de simples civils. 

Ce livre reste néanmoins très intéressant, car la ville (ZUC: zone urbaine ou confinée) est devenue le champ de bataille du XXI siècle. On le voit dans la défense des villes en Ukraine ou le conflit contre Hamas à Gaza actuellement. Ce livre a été enrichi des batailles d'Alep, de Marawi et de Mossoul, mais il contient aussi des informations sur le conflit au sud Liban contre le Hezbollah.

De plus, sans faire de moi un spécialiste militaire, ce livre m'a permis d'en savoir beaucoup plus sur les particularités des combats en Zone Urbaine Confinée. On n'y manœuvre pas avec des grands contingents, mais avec des petites unités aux compétences complémentaires. Le groupe interarmes et entrainé y fait la différence. Par exemple, on peut le doter d'un sniper, de sapeurs (pour traverser les murs), d'un char pour la protection, d'un spécialiste du renseignement (par drone?)... selon les spécificités de l'opération. 

Mais pour vaincre, il vaut mieux disposer d'une supériorité numérique de 6 à 10 contre 1. Il est aussi important de boucler la ville afin d'empêcher la fuite de l'ennemi et qu'il se reforme ailleurs. L'exemple le plus connu est Stalingrad. 

Finalement, même si l'invasion de Gaza par Tsahal est trop proche dans le temps pour être analysée dans le livre, on y apprend beaucoup de choses qui nous éclairent sur les choix de l'armée israélienne. Ainsi, si Israël a longtemps joui d'un avantage net sur les armées conventionnelles voisines dans des combats en plaine, l'IDF s'est fait surprendre par la résistance acharnée du Hezbollah dans les localités du sud Liban. Il fit 50 morts dans les rangs israéliens en 2014 au cours de l'opération Bordure Protectrice. En effet, le Hezbollah avait eu le temps de se préparer à l'arrivée des troupes israéliennes et a pu leur infliger de lourdes pertes. Ils ont notamment utilisé des tunnels, arme que le Hamas s'est empressé de reproduire dans tout Gaza.

Tout comme le Hezbollah, le Hamas s'est minutieusement préparée à une guerre en zone urbaine contre Tsahal. Son rêve fut d'y piéger les blindés israéliens et de les prendre en embuscade grâce aux très nombreux tunnels et à un armement rustique, mais suffisant pour le combat rapproché. Sa connaissance de la zone de combat devait lui donner un avantage décisif sur les soldats israéliens. 

De plus, Hamas a toujours eu pour stratégie d'utiliser sa population civile comme bouclier humain. Soit cela empêche les tirs israéliens, soit Israël tue des civils et l'opinion publique mondiale se retourne contre l'Etat hébreu. En zone urbaine, les morts collatéraux sont particulièrement nombreux et c'est un dilemme pour les démocraties.

La lecture du livre me permet de mieux comprendre comment Israël a déjoué les pièges du Hamas. D'abord, au lieu de boucler la zone de combat au nord, il l'a laissée ouverte et a demandé aux civils de quitter leurs logements. Tsahal préférait que des terroristes s'enfuient plutôt que de bombarder des civils. Dans un second temps, une fois les civils partis, les bombardements furent massifs et n'ont pas épargné les endroits réputés intouchables (écoles, hôpitaux, mosquées...), car ces lieux étaient aussi à usage militaire pour le Hamas. Ces bombardements massifs ont aussi eu pour conséquence de bouleverser la topographie de la ville. Les combattants palestiniens perdirent leur connaissance du terrain.

Ces bombardements massifs qui peuvent sembler excessifs n'ont finalement ont fait moins de victimes civiles que ce que les destructions ont pu laisser craindre (l'ONU les a estimé à la baisse récemment). Cela a permis aux troupes au sol de Tsahal de venir prendre le contrôle sans subir trop de résistance (250 morts tout de même) et de détruire les tunnels de la zone. Par contre, cela a permis au Hamas de se replier vers le sud de Gaza ou bien de revenir dans les zones que Tsahal a quittées. Ces replis sont logiques, car Tsahal ne dispose pas d'assez de soldats pour administrer 2 millions de Palestiniens à Gaza.

L'autre inconvénient, c'est que cela prolonge la guerre car Tsahal fait d'abord en sorte de faire partir les civils avant de s'attaquer à une nouvelle zone. Ce n'est qu'au bout de 7 mois que la zone de Rafah, la plus au sud, à la frontière avec l'Egypte, est enfin le théâtre d'affrontements. Cela a permis de découvrir des tunnels qui connectaient Gaza à l'Egypte, alors qu'il y a un mur en surface! On comprend maintenant d'où viennent les armes et pourquoi certains chefs du Hamas sont introuvables dans la bande de Gaza. Cette fois, cette zone stratégique va très certainement rester sous contrôle israélien pour couper la logistique militaire du Hamas.

En conclusion, la victoire en zone urbaine ne peut s'obtenir sans danger pour ses soldats. Il faut avoir la motivation, les moyens et gagner rapidement de l'expérience pour s'y engager. C'est un sujet vraiment d'actualité et cela rendit sa lecture plus intéressante que prévue.

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